Autopsie d’une photo, 60 ans après…

Cette photo m’a toujours subjugué. Elle résume à elle seule toute la tragédie. J’entends ici la tragédie de l’innomable, de l’inconcevable, de l’éternel questionnement sur ce qui a rendu possible un tel évènement dans la plus grande démocratie du monde. Je parle de l’assassinat de JFK bien sûr, et puis il y a cette photo. Regardez-la encore, on supposerait qu’elle a été prise sur le plateau d’un film noir des années trente, avec un James Cagney de dos rejouant la scène pour la dixième fois. Qui sont tous ces visages figés, impassibles, absents. Que faisaient-ils là au juste ce 24 novembre 1963 dans le couloir des sous-sol de la police de Dallas. Regardez ces stetsons et ces cravates à peine tressaillant, et puis il y a le second rôle tenu par cet homme au costume clair qui marque à peine la surprise, j’allais oser écrire qui la feint à peine. Là, je vous entends crier ; on t’a démasqué monsieur le complotiste ! Ton compte est bon ! Moi, complotiste, c’te bonne blague !
Le monsieur souhaitait simplement exprimer une impression, vieille impression ressentie à la vue de ce cliché, voilà tout. Et n’en déplaise, tout ce joli petit monde n’a pas l’air très franc du collier. Le type en beige là, il nous esquisse bien un petit quelque chose, on sent une intention embryonnaire poindre, mais force est de constater que l’action cale, coince. Les réflexes de notre homme de loi se borne à l’effarement pâteux. On ne se précipite nullement sur le chapeau mou qui tient le colt. Etrange ! Et les autres, franchement, on est sûr qu’ils jouent dans le même film ! Non mais voyez, le gars au micro à droite, il nous commenterait le tiercé du jour à l’hippodrome de Longchamp que cela ne surprendrait personne. Il y a tous ces regards passifs, comme si l’attention était déjà ailleurs. Comment il s’appelait déjà le type qui a le visage tordu de douleur et qui se tient le ventre ? Ah oui, Oswald ! Mais, ne s’agissait-il pas d’un petit rôle de figuration, sans texte ?