La femme chez Miro

 

Na ! Miro ne nous dit pas autre chose au fond. Il nous bluffe par l’espièglerie qui se dégage de toute son oeuvre, réveillant l’enfant qui sommeille éternellement en nous. Mais, s’agit-il alors seulement d’enfantillage ? Si nous manquons cruellement de discernement sur l’univers pictural du peintre nous pourrions irrévérencieusement parler de gribouillages. Voire même avec la dernière impertinence de  trouver dans ses toiles le sceau d’une régression infantile. Le plus sot d’entre nous imaginerait encore un Miro peignant en barboteuse, gazouillant à quatre pattes et peinturluré de la tête aux pieds.

 

 

 

 

 

Et si nous hasardons autant d’impertinences, c’est pour mieux clamer que les barbouillages du maître sont géniaux ! Il faut peut-être juste un peu de patience pour habituer nos sens à son exubérance poétique, catalane et baroque, nous laisser chavirer imperceptiblement aux tentations d’une indéfinissable joie. Si nous nous attardons sur les représentations féminines de son œuvre nous restons dans la seconde sans voix ! Il faut encore une fois laisser décanter notre esprit et se laisser cueillir par la poésie symbolique du trait naïf et des couleurs avivées. Alors seulement tous les sens se mettent en éveil, s’émulsionnent. La conclusion s’impose, il y a comme du « premier matin du monde », du rupestre dans tout cela. La peinture à l’aube de la peinture. La femme chez  Miro n’est donc pas exactement belle, non, l’effet recherché est décidément ailleurs et terriblement puissant. Le peindre l’esthétise par des taches de couleur successives et arrive à un équilibre harmonieux et complexe, réussissant à en faire une icône éternelle.

 

 

Réglons une question, le « na » infantile que sous-entend sa peinture est avant tout un superbe pied de nez à tous les académismes pour lesquels Miro manifestait le plus parfait mépris. D’ailleurs, de la ronde des « ismes » il en fit vite le tour, car après s’être frotté au cubisme, fauvisme et expressionnisme, il se fixa sur l’émergence d’un concept unique articulant sa création sur un maximum d’intensité, avec un minimum de moyens. Le tout baignant dans le vide, que le peintre résumait par « l’éloquence du silence ».


Quand même ! Quel drôle de cosmos nous donne t-il à contempler ! L’imaginaire de Miro semble flotter dans l’espace, en apesanteur, créant ainsi une atmosphère prodigieusement éthérée. Les explorations aux frontières de son subconscient nous livre sa vision onirique du monde, nous invitant à la contemplation et, pourvu que l’on ait l’âme vagabonde, nous convoque dans un état proche de la méditation. C’est seulement ici que toutes les illusions sont alors possibles dans cette géographie édifiée de signes colorés et de formes délicieusement naïves.