L’ordre Libertaire, la vie philosophique d’Albert Camus

 

Michel Onfray nous propose cet opus, L’ordre Libertaire, la vie philosophique d’Albert Camus aux éditions Flammarion, avec toujours le même talent littéraire, la même verve stylistique, les sempiternelles et très attendues saillies et attaques ad hominem où anti-système de pensées philosophiques et politiques. Avec brio encore, il nous raconte l’engagement d’un homme, incompris et injustement catalogué, estampillé dans l’intelligentsia et les encyclopédies de son temps. Mais le temps avec Camus devient justement intemporel, car on comprend au fil de la lecture que son esprit et ses combats idéologiques sont éternels et terriblement modernes. Que les idées reçues propagées par un certains nombres de ses contemporains étaient injustes et surtout infondées, quelquefois abjectes. Le Camus libertaires gênait les bien pensants, contrariait les pensées dominantes dites de droite et peut-être plus encore de gauche. A une époque ou l’histoire va connaître ses heures les plus sombres il y a un homme qui va se montrer inflexible, intraitable avec la montée des fascismes, de tous les fascismes, fussent-ils mussolinien, hitlérien, stalinien, franquiste, pétainiste, avec la collaboration et ses scories intellectuelles détestables.

 

Car l’homme de combat, résistant, sait de quoi il parle. Oui, même Sartre, qui n’aimait pas Camus, l’ayant si souvent attaqué et dénigré, le traitant de « petit philosophe pour classes terminales » a pourtant connu lui une période plus que trouble durant la guerre. Beauvoir aussi d’ailleurs. Sartre ne pardonnait pas à Camus d’avoir comprit aussi plus vite que lui que le système soviétique était un système concentrationnaire, une utopie destructrice, cela dès 1937. Et puis surtout, tout les opposait, Sartre était d’origine bourgeoise, promit dès son plus jeune âge à un destin écrit, fabriqué, conçut à produire un universitaire, pensant, théorisant de grandes idées en principes théoriques, ajustables selon les évènements et souvent dogmatiques. Fidèle en cela à la pensée philosophique rhénane, et donc à son précurseur Hegel. Un combat Sartrien loin des réalités vécues, un penseur si peu en action à vrai dire. Camus, lui, c’est le tropisme inverse, né a Alger d’un père ouvrier agricole et d’une mère femme de ménage, orphelin du premier dès son plus jeune âge et élevé par la seconde, muette de surcroît. Extrait, soustrait de son milieu et d’un destin, serais-je tenter de dire, par un professeur de génie qui avait pressenti chez le petit Albert des lendemains plus prometteurs. Camus, à travers les affres d’une existence qui ne sera jamais facile, jamais écrite dans le marbre, car par trop immanente, si existentielle. Se sachant tuberculeux dès ses 17 ans, donc fragile aussi, il prend tellement conscience que son passage sur terre n’est pas éternel. Onfray avec des mots qui lui sont si personnels nous décrit ce qui les sépare ; les passions tristes pour l’un et le « Oui à la vie » et les passions gaies pour l’autre. Camus, méditerranéen, hédoniste, libertaire, anarchiste, anticolonialiste et viscéralement hostile à tous les totalitarismes, illustre de bout en bout cette morale solaire.  Camus, car philosophe existentiel, nous livre dans ses romans sa vision ontologique de l’être et de l’existence. Tellement interpellant. Il faut lire où relire, peut-être avec un surcroît d’attention après la lecture du livre de Michel Onfray,  La Peste, L’étranger, La Chute, Le Mythe de Sisyphe, Caligula.