La femme Magritte

 

 

 Ne tournons pas autour du pot sur cette question, l’artiste se libère un jour d’un inconscient bien congestionnant et se convertit au plus pur esprit subversif. La seule vue de cette femme entraîne chez Magritte des pensées licencieuses pleinement assumées, confinant franchement à l’obsession. A l’heure du surréalisme triomphant, le peintre affirmait que la forme ne l’intéressait pas plus que cela et qu’il ne peignait que l’idée seule. 

 Si sur la toile nous ne voyons qu’une succession d’incongruités, d’expressions irréelles et mystérieuses, les courbes académiques de Georgette n’en sont pas moins d’une sensualité authentique. Le modèle nous apparaît souvent nu et dans une expression nimbée de pudeur, laissant même à penser que son regard vidé de toute expression cache une coupable mais si voluptueuse complicité. Georgette est belle, et le peintre ne nous le cache pas, dusse t-il la peindre en variations chromatiques éclatantes, en portions congrues anatomiques, dans un imaginaire délicieusement débridé. Le modèle reste impassible, auréolé d’une lumière divine au point d’en devenir presque mythique, il n’en est que plus désiré par l’artiste.

 

L’imaginaire du peintre enveloppe, avant de vampiriser complètement son sujet. Au cœur de cet empire surréaliste il y a une femme aimée, désirée et désirable. Georgette voyait son René peindre le plus souvent sur la grande table de toile cirée de la cuisine, la pipe posée dans le cendrier et les charentaises aux pieds, scène on ne peut plus surréaliste déjà. Le peintre de l’abstraction cherchait-il dans ce lieu un espace neutre pour peindre son sujet, recherchant là une émanation de sérénité et d’intériorité. Le désir de Magritte pour Georgette se confond avec le désir de Magritte occupé à peindre. La vie et l’art s’unissant dans un même éloge de l’amour.