La femme Botero

 

Et si Botero se défend de peintre des rondeurs callipyges on se dit tout de même, à moins qu’il ne soit chaussé de lunettes de correction approximative où entouré de miroirs déformants, que le trait est voulut large et ondulant avec une exagération certaine des volumes. Il en ressort dans tous les cas une véritable sensualité que les ethnologues reconnurent aussi un jour dans celui de la Vénus Hottentote, où l’opulence des pleins fait offense aux déliés, où les courbes et les arrondis jurent sur la toile et revendiquent leur générosité par l’emploi accentué de couleurs vives.

A y regarder de plus près cependant, cette abondance prive les modèles de sentiments par une expression des visages souvent détachée et impartiale. Comme si figée dans une grâce presque boulimique l’air dégagé du modèle cherchait dans les yeux du spectateur sa convoitise. Les modèles, parlons-en. Le haut et le bas se confondent en somme pour ne faire qu’une ogive, la tête et les pieds n’étant que prétextes à mieux nous montrer le continent voluptueux qui les séparent. 

Car perce complaisamment, derrière des lois physiques vagues mais si poétiques, une légèreté innée qui rompt définitivement avec les lois de l’apesanteur. Le peintre réussit à créer le désir à partir d’un mollet oblong et replet, à aiguiser les appétits avec un genou potelé et charnu, à susciter la concupiscence à la seule vue d’une anse de bassin plantureuse et rebondie. Les toiles se confondent avec d’immenses champs chromatiques dans lesquels viennent se tracer de profonds sillons charnus, « crop circles » charnels chassant l’ésotérisme pour mieux convoquer l’érotisme.


Cette démarche du peintre est à en point douter une profession de foi. Car c’est à travers la dilatation des corps qu’il a trouvé l’expression du bonheur, de l’amour sensuel et de la douceur de vivre. Et si les mensurations d’inspirations baroques et Renaissantes de ses modèles nous laissent suggérer quelquefois une corpulence adipeuse maladive c’est que nous ne comprenons rien à cette sensibilité généreuse.