Taxi driver

 

Entre les notes bleues aux sonorités languissantes et la rythmicité des percussions oppressantes, la musique de Taxi Driver reste gravée une fois pour toute dans mon « Walk of Fame » des airs étoilés. Quelle intensité que cette musique, amplifiant les scènes sordides de cet ovni cinématographique sorti en 1976. Et pour cause, Scorsese est allé chercher le compositeur des films d'Hitchcock, Bernard Herrmann. Tout semble si cruellement désenchanté, la ville, les rues, les êtres. Des sons qui se donnent des instincts de bêtes fauves, embusqués dans l’obscurité glauque des quartiers chauds de Brooklyn, là où tous les vices et les crimes se commettent. Cité aux lumières blafardes, la pantomime des silhouettes inquiète toujours. Une pluie crachote, les vapeurs enfument et brouille notre vision. Et puis il y a ce saxophone qui flotte dans l’air, sorte d’antienne rassurante, notes chaudes et pourtant frissonnantes. il arpente les rues de Brooklyn au gré des séquences. Donnant un rythme pulsatile, presque en métronome de nos soubresauts émotionnels. Ils ne tarderont pas à venir, nombreux. Car lentement les images sombres défilent, car sûrement cette musique nous annonce le drame à venir

 

On suit alors un homme dans ce qui peut paraître l’endroit le moins sûr dans ces nuits fauves, un taxi jaune. Sorte de radeau à la dérive dans une mer agitée. Travis est une âme en peine, on ne le sait pas encore. Revenu de l’enfer du Vietnam il n’a pu trouver que cet exutoire face à ses démons, du moins le croît-il. C’est peu à peu sous une autre forme de survie qu’il se pense sauvé, la banalité de la violence qu’il voit chaque nuit dans son taxi l’appelle à la vengeance, au châtiment du mal, elle réveille ses propres souffrances. Des pulsions qu'on imagine peut-être expiatoires. La musique est là, toujours. Lancinante. Attisant notre angoisse imperceptiblement. Elle donne une densité accablante à tout cet écoeurement, à cette désolation. D’un gros plan sur les yeux de Travis, au volant de son taxi, suit un contre champ sur sa vision insupportable de la très jeune prostituée maltraitée par son souteneur. Dans ces nuits électriques, le mal rôde. Brooklyn jubile. Travis s’apprête à sauver le monde à n’importe quel prix…

 

La musique de Taxi Driver ne pouvait être composée que par le maître absolu du suspense, des ambiances noires, je veux parler bien sûr de Bernard Herrmann. Puisqu’il a été le compositeur attitré d’Alfred Hitchcock sur presque la totalité de ses films. Martin Scorsese avait eu cette formidable chance qu’il accepte cette ultime composition, et Herrmann déjà très malade devait décéder avant la sortie du film. Du reste, le film lui est dédié.