De la coupe aux lèvres
Elles sont huit à être rentrées dans le club très fermé de l’ATP¹, inutile de préciser ici que cet acronyme n’a aucun rapport avec l’Association des Tennismen Professionnels.Car même si on y fait des doubles, je vous assure encore qu’aucune méprise n’est possible.
Le savant jargon du club a inventorié des vocables que seuls les initiés comprennent, avec le regard assuré et la main ferme les pratiques se perpétuent dans la plus noble dextérité. Le cérémonial du versage participe assurément au plaisir du dégustateur, plaisir au moins proportionnel à l’épanouissement croissant de ses papilles gustatives.
Et que l’on jette un regard sur son visage à cet instant précis, on y surprendra les grandes focales que ses iris ont pris pour capturer le plaisir à venir.Car il lui est promit, et il sera intense, point n’est besoin de discuter sur la question.
Rien donc ici ne s’improvise, car le breuvage déjà vient colorer le fond du calice et fait chavirer une douce écume de mousse le long de ses parois.Inutile de s’attarder sur les origines du récipient, car on n’en connaît, criant au blasphème, que tel liquide ambré ne peut se servir et se déguster que dans son calice blasonné.
Point trop d’orthodoxie donc, par contre il est une chose qui ne se conteste pas, il faut un calice.
Le ballon, délicatement penché, se remplit voluptueusement de la mixture patiemment fermentée que l’on nomme Trappiste. Sa chromatique est brune, blonde ou ambrée, et ses reflets se réinventent à chaque nouvelle clarté.Sachant garder son flegme, et juste avant d’y tremper les lèvres, notre dégustateur lève le calice tel un trophée. La contemplation atteint alors un pic d’intensité, qu’on se rassure, elle ne sera que profane et on n’en oublierait même que la tradition est avant tout monastique.
Juste pour s’assurer que le col de mousse à l’épaisseur voulue en vertu d’un principe bien cardinal. Il n’y a plus que de la coupe aux lèvres pour atteindre l’état extatique.Tout est histoire maintenant de symbiose entre le houblon, le malt, l’eau et le sucre. Et n’en déplaise aux plus habiles éclairés, le secret des dosages est sacré. Chaque confrérie ayant ses méthodes de fermentation.
Douces ou âcres amertumes légèrement torréfiées, saveurs un peu fruitées ou caramélisées, elles se déclinent aussi en double et triple, et tiennent selon leurs méthodes de fermentation une teneur en alcool de 6 à 12°.
Elles ont pour noms Chimay, Achel, Orval, Westmalle, Rochefort, Westvleteren, La Mont des Cats et la Trappiste.
Mais je m’arrête…Une envie de sacrifier au cérémonial m’assaille !
Une bière de tradition se déguste toujours avec sagesse...
¹ Authentic Trappist Product